Madagascar: la reprise des exportations de bois précieux suscite un tollé

Publié le par Arbres

ANTANANARIVO - La reprise provisoire des exportations de bois précieux, décidée récemment par le régime en place à Madagascar, suscite la colère d'associations écologistes qui dénoncent la légalisation de coupes de bois illégales et la destruction des ressources naturelles de la Grande Ile.

Le 21 septembre, un arrêté interministériel relançait "à titre exceptionnel" l'exportation de certains stocks de bois précieux, généralement interdite par la loi, arguant de la nécessité d'évacuer les arbres déracinés par les cyclones qui ont touché la région du nord-est en 2008.

"Cet arrêté va à l'encontre des efforts déployés pour instaurer une bonne gouvernance environnementale et un système transparent de commercialisation du bois à tous les niveaux de la filière", ont récemment déploré les associations internationales World Wide Fund for Nature (WWF), Conservation International (CI) et Wildlife Conservation Society (WCS).

Une plateforme malgache, Voahary Gasy, créée pour l'occasion et regroupant 27 associations locales, a de son côté réclamé "l'annulation immédiate de cet arrêté", pour stopper "la destruction" organisée "des ressources naturelles et de la biodiversité de Madagascar".

Déjà en début d'année, un autre arrêté pris par le régime du président évincé Marc Ravalomanana avait autorisé provisoirement la vente de bois précieux, mesure qui avait ensuite été bloquée par les nouvelles autorités de transition.

Si les volumes prévus à l'exportation ces prochains jours sont encore inconnus, 13 opérateurs ont obtenu de pouvoir exporter chacun un "quota maximum de 25 containers (...) afin d'apaiser la situation socio-éco-politique qui prévaut dans la région".

Pour un ancien responsable du secteur, il s'agit surtout de coupes illicites que l'on fait "légaliser".

"Etonnamment, dès qu'il y a un cyclone, les bois touchés sont toujours les bois précieux" alors qu'ils "sont les plus durs, (ceux) qui vont logiquement tomber en dernier", constate-t-il sous couvert d'anonymat.

"Il y a toujours eu des stocks partout. Ces opérateurs frauduleux les cachent, et dès qu'il y a une opportunité, qu'ils arrivent à soudoyer le gouvernement, on les fait sortir", renchérit Ndranto Razakamanarina, président de Voahary Gasy.

Une forme d'omerta a longtemps régné sur le secteur, mais face à l'ampleur qu'aurait pris ce trafic, Voahary Gasy est la première initiative malgache publique à dénoncer des pratiques frauduleuses présumées.

Selon M. Razakamanarina, citant des évaluations faites par les professionnels du secteur, quelque 30.000 m3, soit l'équivalent de 11.000 hectares de forêt, sont partis à l'exportation ou sur le point de l'être depuis le début 2009.

Au ministère de l'Environnement, on assume la publication de cet arrêté, regrettant l'interprétation qui en est faite.

"Certains disent que c'est une forme de blanchiment, mais si on regarde, on voit que c'est une initiative d'assainissement", a expliqué à l'AFP Julien Noël Rakotoarisoa, directeur général des Forêts.

"C'est vrai qu'il y a eu pas mal de coupes illicites depuis janvier, des opérateurs profitent de la situation", reconnaît-il toutefois.

L'objectif serait de remettre les compteurs à zéro pour éviter "les stocks élastiques". "Tous les stocks doivent être liquidés ou saisis (pour être vendus aux enchères). Après, on appliquera carrément les textes en vigueur", assure-t-il.

L'exploitation de bois de rose, particulièrement prisés en marqueterie, est une activité extrêmement rémunératrice pour les opérateurs: chaque container de 20 m3 rapporte selon les estimations entre 60.000 et 100.000 dollars.

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